Scola notes+en+vue+du+synode+extraord inaire+des+ÈvÍques+sur+la+famille.pdf
REVUE PUBLIÉE TOUS LES TROIS MOIS
PAR UN GROUPE DE PROFESSEURS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES THÉOLOGIQUES
FACULTÉ DE THÉOLOGIE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS – BRUXELLES
OCTOBRE-DÉCEMBRE 2014
J.-M. CARRIÈRE S.J.
Une loi qu'on ne peut saisir?
Remarques sur la loi nouvelle dans l'Évangile de Jean . . . . . . . . .
Le Synode extraordinaire des évêques sur la famille . . . . . . . . .
Card. A. SCOLA
Mariage et famille à la lumière de l'anthropologie et de l'Eucharistie.
Notes en vue du Synode extraordinaire des Évêques sur la famille . . . .
H. LEGRAND O.P.
Réformer la papauté pour servir l'unité entre les Églises . . . . . . . .
D. WAYMEL S.A.S.J.
Les mouvements et associations de fidèles dans l'ecclésiologie de
Joseph Ratzinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
R. KARPLUS
Euthanasie: réflexions d'un médecin . . . . . . . . . . . . . . .
J.-F. PETIT A.A.
Les déplacements de la pensée de Jean-Marc Ferry et la question européenne
Enjeux d'une éthique cosmopolitique.
À propos d'un ouvrage de Jean-Marc Ferry, La religion réflexive . . . .
M.-D. WEILL S.A.S.J.
Louis Bouyer, Mémoires. À propos d'un ouvrage récent . . . . . . . .
TABLES POUR L'ANNÉE 2014
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NRT 136 (2014) 549-564Card. A. Scola
Mariage et famille
à la lumière de l'anthropologie
et de l'Eucharistie
NOTES EN VUE DU SYNODE EXTRAORDINAIRE
DES ÉVÊQUES SUR LA FAMILLE
I. — Vers l'Assemblée extraordinaire
du Synode des évêques
Dans la perspective de l'Assemblée extraordinaire du Synode
des évêques, je voudrais, par ces notes, réfléchir sur deux aspects
de la réalité du mariage et de la famille: le premier de nature anthro-
le second de caractère sacramentel1. Ils sont étroitement
liés entre eux.
1. Un regard anthropologiqueLes réactions aux questions qui accompagnaient le «Document
préparatoire» ont mis en relief, du point de vue anthropologique,
l'existence d'un écart significatif, bien que différencié dans les
divers continents. Si, d'une part, les affirmations fondamentales
de l'expérience et de la doctrine chrétienne continuent à être
considérées et proposées comme expression de l'idéal de l'amour,
d'autre part, elles sont perçues par beaucoup comme finalement
inadéquates à l'expérience affective des hommes et des femmes de
temps2. Cet état des choses rend plus urgent l'approfon-
dissement du caractère intrinsèquement pastoral de la doctrine
chrétienne, selon l'enseignement du Concile Vatican II, sous peine
1. Le Saint-Père a approfondi, en des occasions significatives, les thèmes 1) du
caractère originel de la différence sexuelle, réalité positive voulue par le Créateur
lui-même, en vertu de laquelle 2) la personne singulière est introduite à l'amour,
3) à la découverte du bien de l'autre, 4) au don de soi, fidèle et fécond, et 5) au
bonheur. On comprend ainsi le choix du Pape d'engager toute l'Église dans une
réflexion articulée sur la famille et, pour la première fois, d'y consacrer deux
assemblées synodales (cf. François, Lumen fidei 52; Evangelii gaudium 66;
Discours aux fiancés, 14 fév. 2014; Audience générale, 2 avr. 2014).
2. Cf. Instrumentum laboris (IL), «Les défis pastoraux de la famille dans le
contexte de l'évangélisation», n. 13 et 62.
de nier l'importance de l'Évangile de la famille, surtout dans les
sociétés qui se sont très éloignées de la pratique chrétienne.
À ce propos, l'Instrumentum laboris relève clairement la néces-
sité d'une réflexion anthropologique bien articulée. En reprenant
les réponses au questionnaire, il identifie l'origine de bien des
incompréhensions de l'enseignement de l'Église sur le mariage et
la famille dans la réduction de cet enseignement à une série d'indi-
cations morales qui ne proviennent pas d'une vision unifiée de la
Les défis lancés aujourd'hui au mariage et à la famille ne pourront
trouver de réponses adéquates dans une simple répétition de la
doctrine, ni dans une laborieuse adaptation à la situation probléma-
tique d'où ils tirent leur origine, mais dans une proposition de vie
intégrale qui prenne sa source dans l'expérience commune à toute
faite essentiellement d'affects, de travail et de repos4.
2. Horizon sacramentelRelire toute la problématique synodale à la lumière d'une anthro-
pologie adéquate permet de mieux saisir le sens profond du
mariage comme sacrement. Elle en éclaire le rapport intrinsèque
entre les aspects pour ainsi dire naturels et la réalité sacramentelle,
en dépassant de la sorte un extrinsécisme encore diffus. Le sacre-
ment du mariage, institué par le Christ, recueille en fin de compte
l'expérience de la double différence, celle des sexes et celle des géné-
rations, sur laquelle se fonde la famille. L'Évangile de la famille est
intrinsèque à l'Évangile comme tel. Sur ce terrain s'épanouit le
sens, comme signification et comme direction, du don total de soi
à l'autre, ouvert à la vie et jusqu'au «pour toujours», qui caractérise
le mariage lui-même dans son indissolubilité. Le mariage chrétien
révèle par grâce tout ce que l'homme et la femme désirent dans
expérience authentique d'amour réciproque5.
Réfléchir anthropologiquement sur la réalité du mariage comme
sacrement et sur la famille permet en outre de les situer à l'inté-
rieur de la dimension sacramentelle tout entière de la vie de
3. Cf. IL 15-16, 22, 112, 126-127.
4. De ce point de vue, il faut reconnaître la grande contribution offerte par
saint Jean-Paul II à une anthropologie adéquate, en particulier sur le thème ici
considéré, par ses célèbres catéchèses sur l'amour humain, reprises explicitement
dans l'Instrumentum laboris comme une contribution décisive méritant d'être
ultérieurement développée (cf. IL 5 et 18).
5. Cf. M. Ouellet, Mistero e sacramento dell'amore. Teologia del matrimonio
e della famiglia per la nuova evangelizzazione, Siena, Cantagalli, 2007.
MARIAGE ET FAMILLE
6. En particulier, le lien profond entre mariage et famille et
le sacrement de l'Eucharistie se révèle décisif pour comprendre la
du mariage lui-même7. Ce lien éclaire aussi bien le mariage
que le mystère pascal lui-même, en tant que mystère des noces
entre le Christ et l'Église8. Les écrits pauliniens (cf. Ép 5 et 2 Co 11,2)
tout autant que les écrits johanniques (cf. Jn 2,1-11; 3,29; Ap 19,7-9;
le montrent bien9.
J'estime donc utile de m'arrêter sur quelques considérations
anthropologiques relatives au rapport homme-femme en référence
au sacrement de mariage (II) et sur le lien de celui-ci avec l'Eucha-
ristie (III).
II. — Anthropologie adéquate et différence sexuelle
1. Situés dans la différence sexuelleDans le cadre d'une anthropologie adéquate, il est décisif de consi-
dérer attentivement l'expérience commune, intégrale et élémen-
10, que tout homme est appelé à vivre par le fait même d'exister
dans un corps sexué. Il s'agit surtout de comprendre tout le poids
la singularité de la différence sexuelle11. Une des racines de la
crise du mariage provient assurément de la méconnaissance de cette
dimension fondamentale de l'expérience humaine: tout homme est
situé comme être singulier à l'intérieur de la différence sexuelle. Et
il est nécessaire de reconnaître que celle-ci ne peut jamais être dépas-
sée. Méconnaître le caractère indépassable de la différence sexuelle
signifie confondre le concept de différence avec celui de diversité.
Au binôme identité-différence, la culture contemporaine substitue
6. Cf. A. Scola, Chi è la Chiesa? Una chiave antropologica e sacramentale
per l'ecclesiologia, BTC 130, Brescia, Queriniana, 20112.
7. Cf. Id., Il mistero nuziale. Uomo donna. Matrimonio-Famiglia, Venezia,
Marcianum Press, 20143, p. 275-286.
8. Cf. Id., Il mistero nuziale: una prospettiva di teologia sistematica?, Roma,
Lateran University Press, 2000.
9. Cf. B. Ognibeni, Il matrimonio alla luce del Nuovo Testamento, Roma,
Lateran University Press, 2007. Pour une présentation du mariage dans l'Ancien
Testament, cf. C. Granados, El camino del hombre por la mujer. El matrimonio
en el Antiguo Testamento, Estella, Verbo Divino, 2014.
10. Cf. A. Scola, L'esperienza elementare. La vena profonda di Giovanni
Paolo II, Genova - Milano, Marietti, 2003; Id., «Quale fondamento? Note intro-
duttive», Communio (ital.) 180 (2001), p. 6, 14-28.
11. Cf. Id., Il mistero nuziale (cité n. 7), p. 209-230; L. Melina, Il corpo
nuziale e la sua vocazione all'amore, dans G. Angelini et al., Maschio e femmina
li creò, Milano, Glossa, 2008, p. 89-116.
souvent le binôme égalité-diversité. La juste promotion de l'égalité
de toutes les personnes, surtout entre l'homme et la femme, a sou-
vent conduit à considérer la différence comme discriminante.
L'équivoque se trouve dans le fait que différence et diversité ne
sont, à bien y regarder, aucunement synonymes. Ces mots désignent,
au moins d'un point de vue anthropologique, deux expériences
humaines profondément dissemblables. Le recours à l'étymologie
originaire des deux vocables peut ici nous aider. Le mot diversité
a sa racine dans le latin di-vertere. Il identifie, normalement, le
mouvement d'un sujet dans une autre direction que celle prise par
un autre sujet. Sont dès lors divers deux ou plus de deux sujets
autonomes qui peuvent entrer en relation ou aller dans des direc-
tions opposées, tout en restant dans leur subjectivité autonome. La
diversité met ainsi en place la relation interpersonnelle.
Au contraire, ce que nous expérimentons dans la différence montre
une réalité intrapersonnelle. Il s'agit de quelque chose qui concerne
la personne singulière dans son identité constitutive. Différence
provient du verbe latin dif-ferre qui, à son niveau élémentaire, signi-
fie porter ailleurs, déplacer. L'apparition d'un individu de l'autre sexe
«me porte ailleurs», «me déplace» (différence). Tout sujet singulier
se trouve inscrit dans cette différence et a toujours en face de lui
l'autre manière, pour lui inaccessible, d'être personne. La dimen-
sion sexuelle est intérieure à chaque personne dans sa singularité
et en montre l'élément constitutif de l'ouverture à l'autre sexe.
La reconnaissance de la différence est un facteur décisif pour par-
venir à une conscience adéquate de soi. On peut alors comprendre
pourquoi la différence sexuelle, dont le caractère indépassable est
originaire et non dérivé, ne peut pas être, en tant que telle, cause
2. Le processus de «sexuation»Arrivé à ce point de la réflexion, une précision déterminante
apparaît opportune. La différence sexuelle doit être comprise de
façon dynamique. Comme l'affirme une psychologie des pro-
équilibrée, un processus de sexuation13 est engagé dans
12. Cf. G. Salmeri, Determinazioni dell'affetto, Dialegesthai 15, Roma,
Aracne, 2013, p. 113-137; H. U. von Balthasar, Teodrammatica 2, Jaca Book,
Milano 1982, p. 327s. Les références classiques pour ce thème sont Aristote,
Métaphysique X, 3; Hegel, Science de la logique II, 1.
13. Ce terme n'est pas habituel, mais il est décisif. Cf. M. Binasco, La diffe-
renza umana. L'interesse teologico della psicoanalisi, Siena, Cantagalli, 2013,
MARIAGE ET FAMILLE
l'histoire de tout individu. Cela signifie que la composante biolo-
gique du sexe qui, depuis la naissance, place chaque individu face
à la différence sexuelle — qu'il suffise de penser aux deux célèbres
complexes freudiens — met en mouvement un travail de sa liberté
face au «propre réel sexuel» qui ne cessera de l'interroger tout au
long de son existence.
En effet, la détermination toujours nécessaire de la liberté humaine
ne peut pas ne pas investir aussi la dimension sexuelle. Bien plus,
c'est proprement dans ce «travail» que le sujet singulier, en vertu
de la différence sexuelle, peut s'ouvrir à l'autre, se décider pour
lui et s'engager ainsi dans la voie de l'amour, qui ne peut pas ne
pas impliquer un choix. Dans le mariage entre l'homme et la femme,
cela s'accomplit objectivement. En lui, j'y choisis d'être choisi par
un autre sexuellement différent de moi, voulant le devoir de vivre
exclusivement avec lui pour toujours en communion de vie et
d'amour fécond.
Le masculin et le féminin ne sont pas une donnée purement
biologique ni une simple détermination culturelle.
3. La théorie du «gender»La théorie du gender, aujourd'hui très répandue, tend au contraire
à remplacer substantiellement la différence sexuelle par les diverses
du genre, précisément14. Née de l'exigence positive
de libérer le masculin et le féminin du périmètre étroit des rôles
socialement déterminés, elle s'est mise en étroite relation avec
certaines instances du féminisme. Comme cela a été rappelé éga-
lement par quelques interventions de l'Église
15, quelques courants
dominants du féminisme, pour émanciper la femme d'une subor-
dination à l'homme souvent pervertie en discrimination, ont
défendu, vers le milieu du siècle dernier, l'égalité/antagonisme
entre les sexes, pour en arriver ensuite à soutenir l'abolition de la
14. Cf. M. A. Peeters, Le gender, une norme mondiale? Pour un discerne-
ment, Paris, Mame, 2013; T. Bach, «Gender Is a Natural Kind with a Historical
Essence», Ethics 122 (2012), p. 231-272; L. Palazzini, Sex/gender: gli equivoci
dell'uguaglianza, Torino, G. Giappichelli Editore, 2011; P. Gomarasca, L'idea
di natura nei "Gender studies", dans F. Botturi, R. Mordacci, Natura in etica,
Milano, Vita e Pensiero, 2009, p. 175-190; G. Angelini, «Passaggio al post-
moderno: il Gender in questione», dans G. Angelini et al., Maschio e femmina
li creò (cité n. 11), p. 263-296.
15. Cf. Congrégation pour la doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l'Église
catholique sur la collaboration de l'homme et de la femme dans l'Église et dans le
monde (31 mai 2004), n. 2.
même comme condition de l'égalité16. Dans cette pers-
pective, la différence sexuelle tend à être réduite à un pur produit
culturel que peut déterminer le sujet, de diverses manières et même
plusieurs fois au cours de sa propre existence.
Une telle évolution est aujourd'hui certainement favorisée aussi par
l'union extraordinaire entre les sciences et la technologie qui donne
à l'homme la perception inédite de son pouvoir (et même de son
devoir) à manipuler toute réalité à la racine, y compris son propre
17. L'hétérosexualité, l'homosexualité et la transsexualité — et
autres variables du genre, toujours plus nombreuses — seraient des
possibilités à la totale disposition de l'autodétermination du sujet.
4. L'auto-évidence de l'éros dans l'auto-évidence du corpsL'expérience humaine élémentaire, au contraire, atteste l'auto-évi-
dence de l'éros comme ouverture originaire à l'autre et à la fécondité
de la relation, inscrite dans l'auto-évidence du corps sexué. La
«chair», comme corps «ressentant», manifeste que notre «être-là»,
en tant que situé à l'intérieur de la différence sexuelle, se donne
toujours au sein de relations (avec Dieu, avec les autres et avec
marquées par la différence18. C'est ici qu'apparaît l'en-
trelacement indissoluble de la différence, de la relation à l'autre et
de la fécondité (mystère nuptial).
La dimension nuptiale propre à toute forme d'amour est le point
de départ pour affronter les défis pastoraux qui regardent le mariage
et la famille.
De ces affirmations, on peut tirer une observation riche de signi-
fication pastorale. Le caractère originaire de la différence sexuelle
marque de manière indélébile toute personne dans sa singularité.
Reconnaître cette indépassable structure anthropologique n'autorise
pas à recourir à des généralisations. Les problématiques inhérentes
à la différence sexuelle, comme celles qui sont liées au mariage et
16. Cf. la synthèse de ce parcours chez A. Fumagalli, «Genere e generazione.
Rivendicazioni e implicazioni dell'odierna cultura sesuale», La Rivista del Clero
italiano 95 (2014) p. 133-147, en particulier p. 135-140. Une riche littérature
féministe s'est employée à approfondir le thème de la différence: A. Stevens,
Donne, potere, politica, Bologna, Il Mulino, 2009; A. Cavarero, Nonostante
Platone. Figure femminili nella filosofia antica, Verona, Ombre Corte, 2009;
M. Terragni, La scomparsa delle donne, Milano, Mondadori, 2007; L. Irigaray,
In tutto Il mondo siamo sempre in due, Milano, Baldini Castoldi Dalai, 2006;
L. Muraro, Il Dio delle donne, Milano, Mondadori, 2003.
17. Cf. A. Scola, Il mistero nuziale (cité n. 7), p. 210s.
18. Cf. Id., «Il mistero nuziale. Originarietà e fecondità», Anthropotes 23
(2007), p. 57-70.
MARIAGE ET FAMILLE
à la famille, demandent toujours à être traitées uniquement à par-
tir du singulier. Du reste, ce qui concerne la «sexuation» est un
processus de par sa nature dramatique (du verbe grec drao, être
en action) qui, comme nous l'avons déjà relevé, engage n'importe
quel sujet singulier, en quelque condition sexuelle qu'il se perçoive,
pour toute l'existence.
III. — Le rapport entre l'Eucharistie et le mariage
1. L'Eucharistie, sacrement nuptialSur cette base anthropologique, il convient maintenant d'expo-
ser quelques considérations sur le rapport entre le mystère nuptial
et le mariage chrétien comme sacrement. Je n'entends pas discuter
ici la vexata quaestio, née à l'époque moderne, de la théologie de
l'élévation de l'élément naturel au sacrement par l'action de Jésus-
Christ. De divers côtés, et notamment en raison des impulsions
données par le Concile Vatican II, on signale la nécessité de repen-
ce modèle19. Je voudrais plutôt montrer comment le mystère
nuptial, en tant que dimension propre de toute forme d'amour,
trouve dans le mystère de la Vie trinitaire et dans Sa communica-
tion à travers l'incarnation rédemptrice du Fils, l'archétype et la
révélation de ce que l'homme et la femme, dans leur rapport, vivent
promesse et comme désir20.
Il ne s'agit donc pas de considérer le mariage sacramentel comme
l'élévation d'une réalité de fait déjà accomplie en elle-même, mais
de saisir dans le sacrement la forme qui rend compréhensible et
praticable l'amour nuptial tel qu'il a été voulu par le Créateur «in
principio». Le rapport entre l'homme et la femme conçu de la sorte
est éclairé par le «grand mystère» dont parle la lettre aux Éphé-
siens (cf. Ép 5), où la relation entre le Christ et l'Église est, préci-
sément, décrite en terme nuptiaux. Le sacrement de mariage se
révèle ainsi comme une réalisation élémentaire de l'Église (famille,
église domestique). Dès lors, en tant que tel, il ne peut jamais être
«insuffisant» pour faire face à des situations de difficulté et aux
19. Cf. J. Granados, Una sola carne en un solo espíritu. Teología del matri-
monio, Madrid, Palabra, 2014, p. 33-57; N. Reali, «Tamquam spoliatus a nudo;
Il rapporto tra matrimonio naturale e sacramento. Il punto di vista di un pasto-
ralista», Ephemerides Iuris Canonici 53 (2013), p. 391-425; N. Petrovich, «La
"natura pura" dell'uomo non esiste», Marcianum 6 (2010), p. 41-64.
20. Cf. M. Ouellet, Divina somiglianza. Antropologia trinitaria della famiglia,
Roma, Lateran University Press, 2005.
blessures vécues par les conjoints. Non qu'il faille appliquer de
façon abstraite l'idéal à la vie, toujours déterminée, plus ou moins,
par des contradictions et des fragilités, mais parce que dans le
sacrement est offert l'amour du Christ Époux pour l'Église
épouse, ressource, critère et garantie de la mise en pratique de la
promesse inscrite dans le cœur de tout homme, en même temps
que l'exigence incontournable d'être aimé et assuré dans l'amour
21. Redimensionner, au nom d'une notion réductrice
de la pastorale, les biens propres du sacrement (indissolubilité,
et fécondité22) pour résoudre la douleur des personnes,
ne leur convient pas pastoralement. L'agir sacramentel du Christ
ne fait jamais défaut en ses dons23 aux époux, surtout dans les
épreuves et les blessures de l'union conjugale, pour qu'ils puissent
vivre leur amour jusqu'à la pleine communion pour le bien de
et du monde24.
2. Eucharistie, mariage et vie comme vocationCette perspective fait apparaître combien le lien entre tous les
sacrements, et en particulier entre le mariage et l'Eucharistie
(Sacramentum caritatis) en tant que sacrement de l'amour nuptial
entre le Christ et l'Église, est essentielle pour la vie chrétienne.
En effet, la divine Eucharistie, source et sommet de la vie et de
la mission de l'Église, est le signe efficace du don du corps du
Christ Époux, jusqu'à l'extrême sacrifice de Soi, à l'Église, son
épouse féconde. Dans le sacrement eucharistique, les époux ren-
contrent ainsi le fondement trinitaire du mystère nuptial, comme
l'entrelacement de la différence, du don de soi et de la fécondité.
Dans l'action eucharistique, le Christ a confié à l'Église le mémo-
rial de Sa totale donation afin que le fidèle, en sa propre liberté,
puisse se décider pour Lui. Ainsi, en termes presque sacramentels,
chaque circonstance de la vie, fût-elle la plus défavorable, devient
une occasion dans laquelle le Christ lui-même s'offre à notre
liberté afin que nous nous décidions pour Lui. La vie matrimo-
niale et familiale s'inscrit ainsi dans l'horizon total de la vie comme
21. Cf. J.-L. Marion, Le phénomène érotique, Paris, Grasset, 2003, p. 37-48.
22. Cf. Catéchisme de l'Église catholique 1643-1654.
23. Cf. A. Mattheeuws, Amarsi per donarsi. Il sacramento del matrimonio,
Venezia, Marcianum Press, 2008; Id., Les ‘dons' du mariage. Recherche de théo-
logie morale et sacramentelle, Bruxelles, Culture et Vérité, 1996. Le propos de cet
auteur est de montrer que les biens du mariage constituent ses fins précisément
parce qu'ils sont avant tout des dons.
24. Cf. G. Richi Alberti, «Como Cristo amó a su Iglesia (Ef 5,25)», dans
J. Larrú (éd.), La grandeza del amor humano, Madrid, BAC, 2013, p. 125-147.
MARIAGE ET FAMILLE
vocation, et vocation à la sainteté. Nous trouvons des paroles
claires à ce propos dans le texte de l'Exhortation apostolique post-
synodale de Benoît XVI, Sacramentum caritatis:
L'Eucharistie fortifie d'une manière inépuisable l'unité et l'amour
indissoluble de tout mariage chrétien. En lui, en vertu du sacrement,
le lien conjugal est intrinsèquement relié à l'unité eucharistique
entre le Christ époux et l'Église épouse (cf. Ép 5,31-32). Le consen-
tement mutuel que mari et femme échangent dans le Christ, et qui
fait d'eux une communauté de vie et d'amour, a lui aussi une dimen-
sion eucharistique. En effet, dans la théologie paulinienne, l'amour
sponsal est le signe sacramentel de l'amour du Christ pour son Église,
un amour qui a son point culminant dans la croix, expression de
ses «noces» avec l'humanité et, en même temps, origine et centre de
3. Célébration eucharistique et consentement matrimonialLa radicalité du rappel de Jésus à rapporter au «principe» la
condition du mariage (cf. Mt 19,4; Gn 1,27; 2,24) peine aujourd'hui
à être considérée comme un bien positif pour la personne, pour la
famille, pour l'Église et pour la société, notamment à cause d'un
rapport, qui reste encore trop extrinsèque, entre célébration
eucharistique et consentement lors du mariage. Je ne veux pas dire
que la valeur de l'Eucharistie est oblitérée, mais elle risque d'être
réduite au rôle d'une occasion pour exprimer une bénédiction
générique de la part de Dieu à l'égard des époux. Le sacrifice eucha-
ristique, au contraire, est la condition définitive en laquelle s'inscrit
le consentement matrimonial. Il permet la décision des époux
d'accueillir l'appel du Christ Époux comme origine de leur propre
décision. Une pratique pastorale qui, à l'occasion du mariage, ne
montre pas clairement le lien constitutif entre la célébration
eucharistique et le consentement matrimonial, conduit de fait à
considérer la fidélité et la fécondité comme des propriétés addi-
tionnelles et, au fond, non essentielles et non déterminantes pour
le lien nuptial.
4. Eucharistie, réconciliation et divorcés remariésLes raisons du MagistèreCe qui a été dit doit rester bien présent à l'esprit au moment
d'aborder les sujets délicats et marqués d'une souffrance particu-
lière comme celui des divorcés remariés. Ceux qui, après l'échec
25. Benoît XVI, Sacramentum caritatis 27.
de leur vie matrimoniale commune, ont contracté un nouveau
lien, se sont fermé l'accès aux sacrements de la Pénitence et de
Souvent l'Église est accusée d'insensibilité et d'incompréhension
face au phénomène des divorcés remariés, sans que l'on mesure
le motif de cette position26 que l'Église elle-même
fondée dans la révélation divine27. Bien au contraire,
il ne s'agit pas d'un jugement arbitraire du magistère ecclésial,
mais de la conscience de l'indissolubilité du lien entre l'Eucharis-
tie et le mariage. À la lumière de ce rapport intrinsèque, il faut dire
que ce qui empêche l'accès à la réconciliation sacramentelle et à
l'Eucharistie n'est pas un péché singulier (ou particulier), qui peut
toujours être pardonné quand la personne se repent et demande
pardon à Dieu. Ce qui rend impossible l'accès à ces sacrements
est en revanche l'état (la condition de vie) dans lequel viennent à
se trouver ceux qui ont contracté un nouveau lien. État qui, en
soi, est en contradiction avec ce qui est signifié par le lien entre
et mariage28. Cette condition demande à être changée
pour correspondre à ce qui se réalise dans les deux sacrements.
Sans nier la douleur et la blessure, la non-accessibilité à la com-
munion eucharistique invite à un parcours allant vers une pleine
communion qui viendra dans des temps et selon des modes déter-
minés à la lumière de la volonté de Dieu.
Au-delà des diverses interprétations de la pratique de l'Église
ancienne, qui cependant ne semblent pas attester des comportements
bstantiellement différents de ceux d'aujourd'hui29, le fait qu'elle
ait toujours mûri toujours davantage la conscience du lien fonda-
mental entre Eucharistie et mariage dit la fécondité d'un chemin,
parcouru sous la conduite de l'Esprit-Saint, en analogie avec la
configuration dans le temps de tous les sacrements de l'Église et
de leur discipline.
26. Cf. IL 93-95.
27. Cf. Benoît XVI, Sacramentum caritatis 29.
28. Comme cela est affirmé en Sacramentum caritatis, «le lien fidèle, indissoluble
et exclusif qui unit le Christ et l'Église, et qui trouve son expression sacramen-
telle dans l'Eucharistie, est en relation avec le donné anthropologique originel
par lequel l'homme doit être uni de manière définitive à une seule femme et
réciproquement (cf. Gn 2,24; Mt 19,5)» (n. 28).
29. Cf. G. Pelland, La pratica della Chiesa antica relativa ai fedeli divorziati
risposati, dans Congrégation pour la doctrine de la Foi, Sulla pastorale dei divor-
ziati risposati. Documenti, commenti e studi, Città del Vaticano, LEV, 1998,
p. 99-131; W. Brandmüller, «Den Vätern ging es um die Witwen», Die Tages-
post (27 fév. 2014), p. 7 (voir, de manière synthétique et du même auteur: «Divor-
ziati risposati, così nella Chiesa primitiva», Avvenire, 5 avr. 2014).
MARIAGE ET FAMILLE
Cela fait comprendre pourquoi tant Familiaris consortio (n. 84)
que Sacramentum caritatis ont confirmé «la pratique de l'Église,
fondée sur la Sainte Écriture (cf. Mc 10,2-12), de ne pas admettre
aux sacrements les divorcés remariés, parce que leur état et leur
condition de vie contredisent objectivement l'union d'amour
entre le Christ et l'Église, qui est signifiée et mise en œuvre dans
Dans cette perspective, il faut rappeler deux éléments qu'il est
nécessaire de continuer à approfondir. Certainement dans l'Eu-
charistie, à certaines conditions, est présent un aspect de pardon,
elle n'est pas un sacrement de guérison31. La grâce du
mystère eucharistique actualise l'unité de l'Église comme épouse
et corps du Christ et cela exige pour celui qui reçoit la commu-
nion sacramentelle la possibilité objective de se laisser incorporer
parfaitement à Lui.
En même temps, il est important de mettre davantage en relief
que, pour ceux qui ont contracté un nouveau lien, la non-accessi-
bilité aux sacrements de la réconciliation et de l'Eucharistie n'est
pas à être considérée comme une punition à l'égard de leur condi-
tion, mais comme l'indication d'un chemin possible, avec l'aide de
la grâce de Dieu et de l'insertion dans la communauté ecclésiale.
Pour cette raison, chaque communauté ecclésiale est appelée à
mettre en œuvre toutes les formes adéquates à leur participation
effective à la vie de l'Église, dans le respect de leur situation
concrète et pour le bien de tous les fidèles.
Formes de participation à l'économie sacramentelleLa vie de ces fidèles ne cesse pas d'être une vie appelée à la
32. La tradition spirituelle a recommandé quelques gestes
précieux pour soutenir ceux qui se trouvent dans la condition
particulière de ne pouvoir accéder aux sacrements.
Je pense tout d'abord à la valeur de la communion spirituelle.
On se trompe lorsqu'on estime qu'elle est étrangère à l'économie
sacramentelle de l'Église. En réalité, ce qu'on appelle «commu-
nion spirituelle» n'aurait pas de sens en dehors de cette écono-
mie sacramentelle. C'est un mode de participation à l'Eucharistie
30. Benoît XVI, Sacramentum caritatis 29.
31. Le Catéchisme de l'Église catholique indique comme «sacrements de gué-
rison» le sacrement de la réconciliation (CEC 1422-1498) et l'onction des malades
32. Cf. A. Mattheeuws, «L'amour de Dieu ne meurt jamais. La sainteté des
divorcés remariés dans l'Église», NRT 136 (2014), p. 423-444.
offert à tous les fidèles et adapté au chemin de celui qui se trouve
en un certain état ou dans une condition déterminée. Ainsi com-
prise, une telle pratique renforce le sens de la vie sacramentelle.
On pourrait proposer, d'une façon plus systématique, une pra-
tique analogue pour le sacrement de la pénitence. Quand il n'est
pas possible de recevoir l'absolution sacramentelle, il sera utile de
favoriser ces pratiques qui sont considérées, notamment par la
Sainte Écriture, comme particulièrement adaptées à exprimer le
repentir, la demande de pardon, et à nourrir la vertu de pénitence
(cf. 1 P 4,7-9). Je pense en particulier aux œuvres de charité, à la
lecture de la Parole de Dieu et aux pèlerinages. Il pourrait être
opportun d'accompagner ces pratiques de rencontres régulières
avec un prêtre tout au long du chemin de foi personnel. Ces gestes
peuvent bien exprimer le désir de changer et de demander pardon
à Dieu dans l'attente que la situation personnelle puisse évoluer
jusqu'à permettre de s'approcher des sacrements de réconciliation
de l'Eucharistie33.
Enfin, en recourant à mon expérience de pasteur, je voudrais
rappeler qu'il n'est pas impossible de proposer à ces fidèles, à
certaines conditions et avec un accompagnement adéquat, comme
l'a affirmé saint Jean-Paul II, «l'engagement de vivre en complète
continence, c'est-à-dire en s'abstenant des actes réservés aux
époux34». Je peux dire, après de nombreuses années de ministère
épiscopal, que c'est là un chemin — de sacrifice, mais aussi de
joie — que la grâce de Dieu rend effectivement praticable. Il m'est
arrivé de pouvoir admettre à la communion sacramentelle des
divorcés remariés qui avaient mûri un tel choix.
L'expérience pastorale enseigne aussi que ces formes de partici-
pations à l'économie sacramentelle ne sont pas des palliatifs mais,
dans la perspective concrète de conversion propre à la vie chrétienne,
représentent une source stable de pacification.
33. Quelques-unes de ces indications avaient déjà été recommandées dans
l'exhortation apostolique Sacramentum caritatis, qui, entre autres, affirme avec
force que les divorcés remariés, malgré leur situation, continuent à appartenir à
l'Église. Ils cultivent «un style de vie chrétien, par la participation à la Messe,
mais sans recevoir la Communion, par l'écoute de la Parole de Dieu, par l'ado-
ration eucharistique et la prière, par la participation à la vie de la communauté,
par le dialogue confiant avec un prêtre ou un guide spirituel, par le dévouement
à la charité vécue et les œuvres de pénitence, par l'engagement dans l'éducation
de leurs enfants» (n. 29).
34. Jean-Paul II, Homélie à la messe de clôture du VIe Synode des Évêques
(25 oct. 1980), Acta Apostolicae Sedis 72 (1980), p. 1082.
MARIAGE ET FAMILLE
5. Les causes de nullité matrimonialeEn conclusion, il convient de prendre en considération la condi-
tion de ceux qui estiment en conscience que leur mariage n'est pas
valide. Ce qui a été dit sur la différence sexuelle et sur la relation
intrinsèque entre mariage et Eucharistie impose une réflexion
attentive sur les problématiques liées à la déclaration de nullité de
mariage. Quand le besoin se présente et que la déclaration est
demandée par les époux, il devient essentiel de vérifier rigoureu-
sement si le mariage a été valide et par conséquent indissoluble.
Ce n'est pas ici le lieu de répéter les justes recommandations,
qui sont aussi ressorties des réponses au questionnaire présentées
dans l'Instrumentum laboris, quant à l'approche pastorale de
toute la problématique
35. Nous savons bien combien il est difficile
aux personnes impliquées de retourner à leur propre passé, marqué
par de profondes souffrances. C'est aussi à ce niveau qu'apparaît
l'importance de concevoir de manière unifiée doctrine et discipline
Foi et sacrement de mariageParmi les questions à approfondir est mentionnée la relation entre
la foi et le sacrement de mariage, sur laquelle Benoît XVI est revenu
reprises, y compris à la fin de son pontificat36. En fait,
l'importance de la foi en rapport avec la validité du sacrement de
mariage est l'un des thèmes que la situation culturelle actuelle, sur-
tout en Occident, oblige à repenser avec beaucoup d'attention.
Aujourd'hui, au moins dans certains contextes, on ne peut pas
considérer comme évident le fait que les conjoints, en célébrant leurs
noces, veuillent «faire ce que veut faire l'Église». Un manque de foi
pourrait aujourd'hui conduire à exclure les biens mêmes du mariage.
S'il est vrai qu'il n'est pas possible de juger en dernier ressort de la
foi d'une personne, on ne peut cependant nier le besoin d'un mini-
mum fidei sans lequel le sacrement de mariage n'est pas valide.
Une suggestionEn second lieu, comme cela ressort aussi de l'Instrumentum
laboris, il est souhaitable qu'à propos des procès de nullité on
tente une voie qui non seulement en rende les délais plus courts
35. Cf. IL 103-104.
36. Cf. Benoît XVI, Discours à l'occasion de l'inauguration de l'année judi-
ciaire du tribunal de la rote romaine (26 jan. 2013).
— dans le plein respect de toutes les étapes nécessaires — mais
plus évidente l'intime nature pastorale de ces procès37.
En ce sens, la prochaine Assemblée extraordinaire pourrait sug-
au Pape de donner plus de relief à l'Église locale38. Il convien-
drait de valoriser davantage le ministère de l'évêque. Concrète-
ment, je me permets de suggérer de considérer attentivement
l'hypothèse de donner vie à une procédure canonique de caractère
non judiciaire et ayant comme dernier référent non un juge
(ou un collège de juges) mais l'Ordinaire ou un délégué choisi par
lui. J'entends ici un processus réglé par la loi de l'Église, avec des
modalités formelles d'acquisition de preuves et de leur évalua-
39. Une hypothèse serait le recours aux éléments suivants: la
présence dans chaque diocèse (ou dans un ensemble de diocèses
dans le cas de circonscriptions ecclésiales très petites) d'un service
d'écoute des situations des fidèles ayant des doutes quant à la
validité de leur mariage. C'est de là que pourrait commencer une
procédure canonique, conduite par une personne compétente
(avec l'aide de personnes idoines en tant que notaires pour la
conformité canonique) pour évaluer la validité du lien, procédure
rigoureuse dans la récolte d'éléments de preuve, à transmettre à
l'Ordinaire avec l'avis de celui qui en serait responsable, éventuel-
lement d'un défenseur du lien et d'une autre personne assistant
l'introducteur de la requête. L'Ordinaire (chargeant éventuellement
de ce rôle une autre personne pourvue de la délégation de faculté)
serait amené à prendre une décision quant à la nullité (consultant
éventuellement, avant de donner son avis, le conseil de quelques
experts). Contre cette décision, un appel au Saint-Siège serait tou-
jours possible de la part de l'un des conjoints.
Cette manière de faire pourrait mettre davantage en lumière le
lien entre la doctrine, la pastorale et la discipline canonique.
IV. — Témoigner de l'évangile de la famille
Dans ces pages, j'ai voulu présenter quelques réflexions de
caractère anthropologique et sacramentel sur le mariage et la
famille en vue de la prochaine Assemblée extraordinaire du
37. Cf. IL 98-102.
38. Cf. IL 100.
39. Le droit prévoit actuellement de tels cas de procédures administratives, par
exemple pour la dissolution du mariage non consommé (CIC 1697-1706) ou pour
motifs de foi (CIC 1143-1150, selon des normes propres), ou encore les procédures
pénales administratives (CIC 1720).
MARIAGE ET FAMILLE
Synode, en tirer quelques conclusions et proposer une suggestion
sur la procédure de vérification de la validité du lien.
Ne m'échappe pas, cependant, la nécessité de recourir conti-
nuellement, pour la promotion du mariage et de la famille, à la
solide expérience de sainteté familiale répandue dans tout le
Peuple de Dieu, dans les divers contextes géographiques et cultu-
rels. Le point fort, notamment pour une pastorale familiale renou-
ne peut être que le témoignage40. La rencontre positive des
situations de souffrance et de difficulté est en dernier ressort pos-
sible grâce aux très nombreux époux qui, depuis des années, vivent
leur mariage dans la fidélité et dans l'amour. Dans mes visites des
paroisses et des communautés, je suis toujours ému en rencon-
trant tant de couples désormais âgés qui, après 40, 50, 60 années,
parlent avec une joie et tendresse de leur mariage et qui témoignent
comment, avec l'aide du Seigneur et la proximité concrète de la
communauté chrétienne, ils peuvent affronter et dépasser tant
d'épreuves et de souffrances. Je me sens porté à rappeler avec une
profonde gratitude également le témoignage de ceux qui ont subi
l'abandon de leur conjoint et ont choisi de rester fidèles au lien
du mariage. Ils ne sont pas rares et ils constituent un signe puis-
sant de ce que la grâce du Christ peut réaliser quand la liberté de
l'homme s'ouvre à elle.
En outre, je considère pastoralement assez réaliste et efficace la
conviction qu'aujourd'hui encore le mariage se révèle comme la
enceinte qui enferme et contient tout désir d'évasion de l'individu,
lien indissoluble qui oppose son airain aux tendances de disso-
lution de l'existence, et oblige celui qui chancelle à se dépasser lui-
même, grâce à la figure conjugale, dans le véritable amour. Dans
la promesse conjugale, ce n'est pas à eux-mêmes que les époux
engagent leur foi, au sol mouvant de leur liberté; c'est à la forme
[ultimement Jésus-Christ] qui, en tant qu'elle est choisie, les choi-
sit, […] parce que, à travers toutes les couches successives, elle
monte des racines biologiques jusqu'aux sommets de la grâce et de
Les évêques réunis pour la IIIe Assemblée extraordinaire du
Synode, guidés par l'Esprit-Saint et confortés par ces témoignages
de sainteté familiale, sauront indiquer au Saint-Père la meilleure
40. Cf. IL 59-60.
41. H. U. von Balthasar, La gloire et la croix. Les aspects esthétiques de la
Révélation. I. Apparition, trad. R. Givord, Paris, Montaigne, 1965, p. 23-24 (trad.
voie pour montrer la beauté de l'Évangile de la Famille au monde
IT – 20122 Milano
Angelo Scola (Card.)
Piazza Fontana, 2
Archevêque de Milan
Résumé. — Le mariage chrétien révèle par grâce ce que l'homme et la
femme désirent dans l'expérience de l'amour. La juste compréhension
de la différence sexuelle (à laquelle s'opposent les théories du gender)
permet la relation à l'autre et en détermine la fécondité pour exprimer le
mystère nuptial. Celui-ci est un sacrement, enraciné dans le mystère
trinitaire, et en lien précis et décisif avec le mystère pascal vécu dans
l'Eucharistie. L'A. tire les conséquences de ces rappels pour la participa-
tion des divorcés remariés à l'économie sacramentelle. Il suggère de pri-
vilégier l'Église locale dans les procédures de déclaration de nullité du
lien matrimonial et propose un chemin de discernement lié à l'Ordinaire
Mots-clés. — mariage, famille, théorie du genre, gender, divorcés remariés,
eucharistie, droit canon, synode
Card. A. Scola, Marriage and Family in the light of the Anthropol-
ogy and the Eucharist. Notes for the special Synod of Bishops on the
Family
Summary. — Christian marriage reveals by grace what men and women
desire in the experience of love. A fair understanding of the sexual dif-
ference (which the theories of gender oppose to) allows the relationship
to the other and determines the fecundity to express the nuptial mystery.
It is a sacrament, rooted in the Trinitarian mystery, and precise crucially
linked to the Paschal Mystery lived in the Eucharist The A. draws con-
sequences from these notes for the participation of divorced and remar-
ried persons in the sacramental economy. He suggests that priority
should be given to the local Church in the procedures for declaration of
nullity of the matrimonial bond and offers a way of discernment related
to the Ordinary.
A. Bruxelles, Peut
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Multidrug-resistant Tuberculosis Charles L. Daley, MD National Jewish Health Chair, Global GLC, WHO and Stop TB Partnership Disclosures • World Health Organization – Chair, Global GLC • Otsuka – Chair, Data Monitoring Committee for clinical trials of delaminid Multidrug-resistant Tuberculosis • Pathogenesis and Transmission of Drug
A Research Brief is a brief summary of research Research Brief findings. Context Matters When Segmenting THE PROBLEM Market segmentation is a process that can help managers identify and target those con-sumers with whom they can achieve a competitive advantage. This process can be based on consumer variables but may not always effectively account for different situations (i.e. contexts). Segmentation that incorporates context-dependent preferences promises to deliver richer insights, but can be quite chal enging. For example, if asked in the middle of the